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L’Or et l’Argile

Ces deux artistes, après avoir travaillé et exposé séparément, avant et au début de leur rencontre, ont décidé de travailler sur la complémentarité homme-femme et ponctué leur démarche d’un livre paru en septembre 2001, sous le titre « L’or et l’argile », sous-titré « L’art et le quotidien », (paru également en version allemande sous le titre « Gold und Lehm, Kunst und Alltag »), qu’ils présentent ainsi :

L’Or et L’Argile, L’Art et le quotidien

Sur le choix des Photos de l’exposition dans le livre.

Le choix des photos que nous avons juxtaposées est un choix spontané, guidé par les couleurs et les formes. Ce sont des œuvres de périodes différentes, sans interférences d’influence apparente. Pourtant, nos amis, auxquels nous avons présenté notre projet, nous ont fait remarquer l’analogie des formes entre certaines sculptures et certains tableaux, qui nous avaient échappé à première vue. Tout particulièrement dans « Le Nœud », au centre duquel on retrouve le profil de la sculpture de René. Dans certains collages aussi, où se profilent les lignes des bronzes. Mais la correspondance ne s’exprime pas toujours sous cette forme, l’harmonie, malgré la personnalité propre qui s’impose, nous semble évidente.

A vous d’en juger…

Titre du livre

Choisir un titre n’est pas chose facile, surtout pour une oeuvre commune.Nous avions opté tout d’abord pour Complémentarité Homme-Femme, puis pour Envol et Déchirements.

Alors pourquoi L’Or et l’Argile, L’art et le Quotidien?¨

L’or est le symbole de la lumière, de la connaissance, de l’immortalité, tout ce vers quoi tend chaque créateur, mais qui reste inaccessible. D’autant plus qu’il reste collé à cette terre glaise qu’est le réel, embourbé dans le quotidien.

La terre glaise est la matière que travaille René, avant que ses sculptures soient coulées en bronze et prennent la couleur de l’or. Cet or que j’utilise souvent dans mes peintures et mes collages.

L’ idée du tiraillement entre l’art et le quotidien, entre le désir de perfection et le sentiment d’impuissance, toujours associés à la création autant qu’à la vie à deux, nous a semblé présente dans ce titre.

Sujet

Deux artistes contemporains vivant en couple, tellement différents qu’ils sont complémentaires, présentent leurs difficultés, leurs réflexions et leurs œuvres.

Cet ouvrage relate la rencontre d’un homme et d’une femme, la difficulté de la vie à deux, lorsque chacun se positionne comme artiste dans notre société. Les exemples de couples d’artistes dans ce cas sont multiples. Pour n’en citer que quelques uns « Camille Claudel et Rodin, Christo et Jeanne Claude. Anne et Patrick Poirier, Nancy et Eduard Kienholz…

Nous rapportons, à tour de rôle, l’envol que permet cette rencontre inespérée, autant sur le plan personnel qu’artistique, la difficulté d’imposer sa personnalité et d’aménager les plages de retrait que nécessite la création, les peurs et les déchirements du couple qui lutte pour son individualité dans une relation qui se veut paradoxalement symbiotique. Mais est-ce un choix ?

Nous avons décidé de mettre à profit cette problématique et d’en faire un thème d’exposition et le thème de ce livre, problématique dans laquelle d’autres individus peuvent se reconnaître et peut-être réussir un travail en commun, sans pour autant renoncer à la réalisation du moi, mais au contraire l’approfondir, Il s’agit donc, en ce qui nous concerne, non pas de réaliser des œuvres communes, mais de montrer deux modes d’expression différents, deux imaginaires qui peuvent cohabiter, dialoguer, se compléter, sans se contredire.

C’est l’aventure que nous racontons, pièœs à l’appui, mettant à profit les différences qui nous caractérisent, pour enrichir parallèlement notre vie à deux et notre œuvre.

Table des matières

avant-propos

autoportraits

vie partagée

envol

déchirements

complémentarité

exposition

documents

lettres

Portraits de Michèle et René vus par Isabelle Frank

Me voilà bien mal placée pour parler de Michèle Frank et René Wiroth, moi qui suis leur fille de sang et de cœur.

Je me souviens d’eux lorsqu’ils se sont rencontrés, après deux vies qu’on peut qualifier de difficiles. Deux adolescents fous amoureux (dont j’aurais aisément pu être la mère à l’époque), deux êtres fragilisés par trop d’échecs et de déceptions qui pressentaient l’importance de leur rencontre, mais n’osaient y croire tout à fait.

Je me souviens de la première exposition de Michèle, organisée par René, à l’époque où elle faisait encore des paysages figuratifs. Puis, de son passage à une peinture plus abstraite et impulsive. Des premières sculptures en bronze de René, poussé par Michèle à faire du « solide » et non plus des œuvres éphémères plus ou moins laissées à l’abandon.

Je me souviens de leur excitation commune lorsqu’un nouveau projet se présentait – exposition, découverte d’un nouveau matériau de l’un ou de l’autre – transmettant à tous ceux qui voulaient bien la capter cette émulation incroyable que l’on rencontre rarement chez les gens « normaux ».

René a toujours été un artiste. Peut-être même qu’il est né comme ça. Il a une formation d’artiste. Il a une pensée d’artiste, illuminée (ou clairvoyante), critique, tranchante, et aussi une confusion d’artiste qui sont autant de certitudes auxquelles il manque une formulation. Car sa formulation, son mode d’expression est avant tout plastique. Celle de Michèle est intellectuelle et, à priori, plutôt littéraire.

Elle est autodidacte et peint à l’instinct, jouant avec les couleurs et les sentiments qu’elles lui inspirent, dans de grands mouvements, souvent circulaires, saccadés et violents. Elle peint avec son corps, laissant libre cours à une main qui semble parfois ne plus lui appartenir. Elle est forte. Plus qu’un homme.

Lorsqu’il sculpte, René caresse la matière, glisse sur la terre glaise avec la paume de sa main. Il ne la pétrit pas, il la lisse. D’autres fois, de petits coups de scalpels, précis, donnent la forme, saillante comme son coup de crayon. Mais toujours, il enfante son œuvre avec délicatesse. C’est son côté féminin.

Ils sont homme et femme, l’un et l’autre, alternativement. Ils aiment jouer au chat et à la souris, à quitte ou double.

Le violon de René est un cri déchirant tempéré par le tam-tam de ses talons sur les bidons d’essence sur lesquels il joue au funambule. Les soies de Michèle, des peaux odorantes virevoltant comme des « Feux follets », diffusant autour d’elles l’essence même de la féminité

Leur vie est faite à la manière d’une chorégraphie, tantôt légère, tantôt pleine de dramaturgie. Lorsque René a fait son exposition au Zollhof à Düsseldorf, il a orchestré ses plâtres comme un ballet contemporain. Des trapézistes au-dessus de notre tête, volant comme des icares, des femmes debout attendant le train ou le car, des ouvriers, des hommes-caddies… Le décor gris de l’usine désaffectée donnait à l’ensemble un ancrage politique, social et rendait les personnages un peu tristes. Michèle (à l’époque elle signait encore Anaïs) a fait des photos couleur de l’exposition dont les tonalités étaient presque noires et blanches et, par un miracle de la lumière, ces photos sont devenues jaunes, rouges, bleues. Comme si elle avait colorié le monde, voulant en gommer aussi la tristesse. Michèle fait des rêves en couleurs.

Ils veulent, comme tant d’autres, mais à leur manière propre d’artiste, faire de leur vie une œuvre d’art. Une maison toute blanche, toujours pleine d’amis où les échanges ne sont pas qu’artistiques et intellectuels, mais surtout profondément humains. C’est probablement leur tolérance et leur générosité de cœur qui les sauvent du nombrilisme chronique dont sont atteints la plupart des artistes. René, prêt à gravir des montagnes pour aider un ami et Michèle, toujours à l’écoute. Mais comment arriver à remplir à cent pour cent une vie qui ne compte que 24 heures par jour ? Cette soif de vie leur est commune, d’où leur angoisse périodique de ne pas être des surhommes capables de gérer à la fois l’amitié, l’art, le travail, l’intimité (et le sommeil). Leur façon d’être deux est une évidence pour tout le monde, sauf peut-être pour eux-mêmes. Ce livre est une façon de se dire, une union qu’ils tentent de rendre parfaite par peur de se perdre. Le désir d’exposer ensemble et d’écrire ce livre fait preuve de cette recherche utopique de symbiose totale, mais aussi d’un rêve qu’ils ont en commun… Celui d’unir le monde, de sortir enfin de la barbarie, et de rendre tout simplement les choses plus belles.

Isabelle Frank

Vie partagée

Michèle

Notre rencontre nous a permis l’envol.

Cet état de grâce qu’est la rencontre de l’âme sœur, certains le connaissent ou l’ont connu. Mais combien de temps sommes nous capables de le perpétuer contre la force du quotidien et de ses impératifs, contre la force de l’habitude, contre les pressions extérieures ?

Tous, nous avons rencontré à un moment de notre vie l’Autre, avec lequel nous aurions pu vivre dans la symbiose totale, dans cet état que l’on peut appeler le narcissisme à deux. Mais ce qui est concevable dans un roman, dans les limites de l’espace et du temps, est. -il possible dans le contexte du réel sur une longue durée ? Comment préserver l’individualité de chacun, son besoin légitime de se réaliser, d’utiliser ses capacités propres pour affirmer sa personnalité, non pas contre l’autre, mais pour enrichir sa relation avec lui ? Un amour symbiotique n’exclue-il pas par son essence même toute possibilité d’individualisation ?

Si toutes ces questions se posent pour un couple « normal « , à plus forte raison pour un couple de créateurs. Nous avons tous deux la conviction, que l’art n’a pas pour fonction de diviser mais de réunir. Dans les faits pourtant, c’est bien là notre seul sujet de discorde, ou du moins, il est à la source de tous les autres. La situation idéale pour un artiste ou un créateur est évidemment de vivre aux côtés de quelqu’un qui est prêt à s’effacer et à assumer toutes les obligations qui nous incombent au quotidien, dans la vénération absolu du créateur. Malheureusement, notre rencontre est d’un autre ordre. Non seulement chacun de nous a le désir de se réaliser, mais c’est aussi le désir de l’autre, pour l’autre et la seule façon de maintenir le lien entre nous.

Jusqu’en octobre 1996 nous n’avions fait que des expositions individuelles, hormis quelques expositions de groupes. Chacune donnait lieu à des conflits, dont l’origine était le fait que l’urgence de la création, la peur de l’exhibition et de l’échec créent une tension et un manque de disponibilité à l’autre, mais aussi à tout ce qui distrait du travail artistique. Ce qui veut dire que le conjoint doit se mettre en retrait et assumer toutes les tâches ingrates pendant cette période difficile. Lorsqu’elle est de courte durée, tout se passe sans trop de heurts. Mais ce n’est pas toujours le cas. C’est de là que nous est venue l’idée d’exposer ensemble. Conscients bien sûr que nous multiplions les difficultés d’organisation, mais souhaitant mettre au grand jour les interférences de cette communication si intense.

Notre intention était au départ de créer des œuvres communes, mettant en évidence le côté masculin et féminin très développé chez l’un et chez l’autre, d’exploiter les talents de chacun, le dessin de Wiroth, son engagement artistique et social, ma spontanéité gestuelle et mon sens de la couleur, pour mettre en place une exposition homogène dont la complémentarité Homme-Femme sauterait aux yeux de chacun. Le tableau que vous nous avons signé tous les deux -restera le témoin unique de cette tentative hasardeuse.

Que reste-t-il de notre projet initial? Trois expositions communes pour le moment, qui, nous l’espérons, font apparaître l’éclatement de notre couple à la fois en deux personnalités et en de multiples facettes.

Si le titre de ces trois expositions, et celui de ce livre doivent prendre un sens, c’est par l’influence mutuelle et le dialogue constant qui existent entre nous et s’expriment dans l’explosion des formes et des couleurs, par l’authenticité du vécu, mettant à jour l’envol, mais aussi les déchirements de deux êtres si différents qu’ils sont complémentaires.

Cette expérience nous a permis de mettre en évidence cette complémentarité qui existe non seulement entre les êtres, mais aussi dans la nature, cyclotimique comme les humains, comme la vie même, inséparable de la mort.

Que ce livre soit le modeste témoignage du dualisme, le reflet de l’aspect lumineux et de l’aspect obscur de chaque être et de chaque chose.

René

Le titre de notre première exposition commune : « Complémentarité Homme-Femme » a été choisi par Michèle. D’après elle, la complémentarité serait le fait d’apporter un complément à l’autre, donc de lui donner ce qu’il ne possède pas.

Je me suis toujours senti mal, en pensant qu’il pouvait y avoir des gens qui savent ce qui me manque. Ils me font peur et j’ai tendance à les fuir parce qu’ils me mettent face à mes insuffisances.

Michèle Frank, je ne la fuis pas. Elle fait partie de moi, elle vit en moi. Dès le jour où nous nous sommes rencontrés, j’ai voulu me frayer un chemin pour me glisser dans tout son être. D’autres hommes l’auraient transpercée pour se retrouver à la sortie, mais moi, je me plais à y rester. Une chaleur se dégage de son corps et de son âme. Mes sculptures depuis notre rencontre expriment ce désir de fusion.

Complémentaire était pour moi jusqu’à présent, ce qui se place à l’extrême de l’autre. Le point où deux personnes ne se rejoignent jamais, isolées de l’autre par son contraire. J’ai donc voulu mettre un point d’interrogation au titre de notre première exposition commune, et négocié « ORIENTATION» , qui met un bémol à ce titre péremptoire. Les certitudes nous servent de béquilles, mais ne laissent aucune ouverture. Au fond, que savons nous de ce qui est complémentaire ? Est-ce que la nuit est complémentaire du jour ? Le noir est noir parce qu’il absorbe la lumière. Ce qui signifierait, dans ce contexte, que l’homme absorbe la femme ou que la femme absorbe l’homme. Pourquoi opposer le noir au blanc, le soleil à la lune, l’homme à la femme ?

Les deux pôles de la terre sont à l’opposé l’un de l’autre, mais non en opposition. Ils font partie d’une et même chose et sont de ce fait complémentaires. Michèle et moi sommes opposés, mais pas en opposition (quoiqu’elle en dise parfois). La complémentarité se caractérise peut-être par une forme de concentration, celle de deux pôles opposés qui se rencontrerait dans un rendez-vous imaginaire sur la ligne de l’équateur.

La nature est pour moi un exemple. Elle ne nous dit jamais à l’avance ce qu’elle prévoit et l’homme ne peut que s’adapter à sa volonté. Certes, elle se manifeste par des signes, tels les cycles des étoiles. Michèle est mon étoile, et je crois davantage au langage des étoiles qu’aux convictions des hommes. Elles sont constantes.

Comme toute chose humaine est aléatoire, nous vivons tous par procuration. Seuls les êtres sensibles en prennent conscience et connaissent le prix de la vraie vie. Il faut être stupide pour ne pas voir la fragilité des hommes et vivre comme si tout était programmé. Nous sommes seuls à bord, maîtres de notre sort. Il faut donc trouver une orientation personnelle à notre vie.

La recherche de la beauté sous toutes ses formes me semble la seule façon d’échapper à la peur de la vie et de la mort. Michèle est l’exemple le plus évident que je connaisse de cette recherche constante. Le choix des matériaux les plus doux, des couleurs les plus chatoyantes témoignent du souci d’être au chaud dans cette vie dont la fragilité est si évidente pour chacun d’entre nous. Toutes ces choses sophistiquées dont elle s’entoure, font partie de ce nid où elle se met à l’abri, où elle est vie, où elle est femme au féminin.

Brecht disait dans une chanson :

Denn die einen sind imDunkeln
Und die andern sind im Licht.
Und man siehet die im Lichte
Die im Dunkeln sieht man nicht

Dans la société, les uns font de l’ombre aux autres et cet état de choses se retrouve dans tous les rapports humains. L’amour, ce trésor si difficile à trouver, si difficile à garder, c’est peut-être tout d’abord faire en sorte que chacun occupe sa place et que l’autre la lui accorde. C’est là que peut se construire la complémentarité.

La complémentarité est un but à atteindre et non un état de fait.

Ce livre en est le témoignage.

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L’Or et l’Argile

176 pages au format 23×28 cm sur couché demi-mat avec plus 100 images couleur* Prix de vente : 48 €
ISBN2-9599827-0-3
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livre@frank-wiroth.lu
michèle frank& rené wiroth
5, Kiischtewee
L-5290 Neuhauesgen