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Le monde de deux mains

Exposition au CCRN : « Le monde de deux mains »

Une approche pratique à un problème philosophique

Dans le cadre des projets culturels 2007 a été inauguré mercredi soir, dans les locaux de l’Abbaye Neumünster, l’originale et édifiante exposition « Le monde de deux mains », réalisée par l’artiste luxembourgeois René Wiroth, en collaboration avec Claude Frisoni e Françoise Pirovalli du CCRN, avec l’aide précieuse de nombreux spécialistes en matière.

Qu’en dire ? Tout simplement : étonnant ! Ni droitiers, ni gauchers ne resteront insensibles à la problématique de la latéralité humaine, perçue à travers les siècles. Les trois salles de l’exposition, subdivisées par thèmes (salle 1 : Le cerveau et les gauchers, salle 2 : Galerie d’une main, salle 3 : Galerie de la vie. La nature et les hommes) offrent un parcours itinérant, composé de 83 unités à visionner, par lequel on se rend bien vite compte que, même de nos jours, où les gauchers sont autorisés à utiliser librement leur « mauvaise main », ils sont néanmoins contraints à vivre dans un monde aucunement adapté à leurs besoins, entraînant d’innombrables désagréments dans la vie quotidienne et laissant de néfastes séquelles dans le développement de la personnalité. On connaît les ciseaux et les plumes à encre pour gauchers, certes, mais qu’en est-il des ouvre-boîte, des tire-bouchon, des portefeuilles, des règles, des taille-crayon, voire même des machines industrielles et autres outils de travail ? Encore faut-il savoir les utiliser, car non seulement sont-ils empoignés par la main gauche, mais ils sont manipulés de façon anti-horaire. Surtout les enseignants doivent être sensibilisés à respecter certaines petites contraintes, telles que la posture de l’enfant gaucher et de sa main, face à son cahier obligatoirement incliné vers la droite pour éviter la main tenue en crochet.

Claude Frisoni a su brillamment tourner en dérision le pauvre gaucher, adepte du diable, malhonnête et à l’apparence disgrâcieuse, reflétant cependant les préjugés qui ont toujours existé autour de cette étrange créature : «D’éminents spécialistes ont émis l’hypothèse que la gaucherie serait héréditaire. Il serait donc judicieux d’interdire les mariages entre droitiers et gauchers (…), sinon les pauvres parents devront élever un sale gosse, qui deviendra un jour John Mc Enroe. »

Pierre-Michel Bertrand, docteur en histoire et spécialiste du sujet (publications : Histoire des gauchers, « Des gens à l’envers » Paris 2001 / Dictionnaire des gauchers, Paris 2004), a ensuite tenu une très intéressante conférence ayant pour titre : « De l’esclanchisme à la lévokynésie : la gaucherie à travers les âges », expliquant l’étymologie de ces synonymes et commentant la définition de « gaucher », écrite dans certains dictionnaires : « personne qui se sert de la main gauche, au lieu de se servir de la main droite », définition selon laquelle il s’agit bel et bien d’une anomalie. Il en a ensuite illustré l’évolution depuis le Moyen-Âge, où le gaucher était moins pénalisé qu’aux époques suivantes, vu que les gens étaient analphabètes et ce n’est que par l’écriture que le problème s’est posé de façon plus évidente. P-M Bertrand : « Le grand modèle chrétien discriminatoire des deux mains est le Jugement Dernier. Il est prévu d’après l’Evangile de Mathieu, chapitre 25, qu’à la fin des Temps le Christ placera les brebis à sa droite et les boucs, désobéissants, à sa gauche, les envoyant au Feu Eternel. » Un partage de l’humanité en droite et gauche, dont témoignent, au fil des siècles, l’art, la littérature et l’architecture.

L’exposition est ouverte jusqu’au 16 mars, tous les jours de 10.00 à 18.00 heures. A rappeler la présence de la psychologue Dr Johanna Barbara Sattler aujourd’hui (de 14.00 – 16.00 heures) et demain (de 11.30- 13.00 heures) pour conseiller parents et enseignants, et le concert du pianiste Christopher Seed demain soir à la Salle Robert Krieps.

Delia Pifarotti – « Tageblatt » janvier 2007

LE MONDE DE DEUX MAINS

-Commissaire de l’exposition René WIROTH-

(Traduction de l’extrait de l’article de Richard COVINGTON dans le International Herald Tribune du vendredi 16.02.2007)

« Luxembourg. Un impromptu de Schubert flottait dans la galerie principale de l’Abbaye de Neumünster. Au coin de l’exposition, des gauchers célèbres tels Leonard de Vinci, Charlie Chaplin et Bill Clinton, le pianiste britannique Chris Seed jouait d’un piano à l’apparence étrange. A l’image en miroir d’un instrument ordinaire, les longues cordes horizontales s’étendaient là où on attendait les courtes et les notes basses étaient tout en haut du clavier, et non en bas là où elles sont d’habitude. Le piano pour gaucher de Seed, la pièce centrale d’une exposition sur la ‘gauchéité’ est une métaphore étrangement adaptée pour une série d’évènements artistiques destinés à complètement retourner la perception d’un Luxembourg collet-monté. »