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Expo TEM à Goviller 2009

Le Républicain Lorrain

CULTURE exposition à goviller

L’art contemporain joyeux

Entre les peintures très intimes du coréen Jae Woo Park et l’installation à quatre mains de Michèle Frank et René Wiroth, le lieu d’exposition campagnard TEM, près de Nancy, frappe encore très fort.

Sur l’affiche, le soleil s’infiltre à travers une cloison à claire-voie. Mais c’est une tempête qui a frappé le lieu d’exposition TEM, à Goviller, à quelques jours de son ouverture. Le jardin, un des plus beaux de Lorraine, a été dévasté. Cette nouvelle avanie n’a pas arrêté Alyne Rosenkrantz. Elle a replanté le jardin et des jambes d’artistes y courent en liberté. Dans la grange, aux volumes immenses, les œuvres se multiplient entre les mains d’une trentaine de créateurs. Chaque pas change la perspective et l’œil y découvre une nouvelle manière de voir l’exposition.
La claire-voie a aussi donné l’indication d’une mise en scène au rez-de-chaussée dans les anciennes écuries. Des cloisons ont modifié la vue depuis l’an dernier : dix ans qu’on vient et ils continuent de nous étonner. Nouveau venu à Goviller, le Coréen Jae Woo Park frappe par la maîtrise de sa peinture. Un personnage allume sa cigarette en quatre tableaux et c’est toute l’humanité qui s’affiche. Deux petites filles en imper rose bondissent sur deux autres œuvres, soignées. Le coup de cœur est immédiat ­ ces tableaux-là ont déjà trouvé acquéreurs.
A l’étage, Manuela Cordenos a repris son tricotage de bouts de papier pour offrir un ourson géant. Le bricoleur fantasque René Hippert, avec sa petite famille, projette des rêves de fumée et de sons. Stéphane Noviant se promène dans une rue de Nancy et en sort une galerie de portraits peints avec une extrême attention au détail, dans une composition vivante. A plafond haut, Régine Lehmann répond avec des panneaux de bois déroulé. Ces rideaux végétaux immobilisent le temps et offrent une vie aérienne à l’exposition de cette année.
René Wiroth ne dira pas le contraire. Avec Michèle Frank, ils ont travaillé en commun, hanté par le souvenir du fondateur de cette initiative, Claude Rosenkrantz. La peintre a délaissé les couleurs chaudes pour des bleus marins et le sculpteur a oublié le plexiglas au profit de l’alu : ses personnages volent et dressent un hommage à un homme qui avait tant de conviction qu’il semble perdurer par-delà sa fin. Les artistes revenus d’année en année (Brigitte Bourdon, l’étonnante Franc Volo, Jac Vitali), sa femme et sa fille font plus qu’entretenir la flamme : elle devient un brasier émouvant de créations.
Julien BÉNÉTEAU. Galerie TEM, 55 Grand’Rue à Goviller, tous les dimanches de 14 h à 19 h. Entrée libre. Tél. : 03 83 52 88 33.
Le Républicain lorrain Publié le 30/06/2009

L’Est Républicain

Goviller, capitale de l’art

 

(L’Est Républicain – 13/06/09 – Actu région)

 
C’est la plus belle exposition lorraine qu’on puisse voir cet été, magnifiquement éclairée par Olivier Irthum et Jérôme Lehéricher.

GOVILLER.- Quand Claude Rosenkrantz est décédé soudainement début 2008, les plus pessimistes prévoyaient qu’avec lui allaient disparaître les formidables expositions de groupe estivales qui ont fait la réputation de l’Espace TEM à Goviller près de Vézelise (54).
C’était compter sans l’énergie de sa femme Alyne et la fidélité de ses amis artistes, qui ont surfé la première année sur l’organisation de l’exposition que Claude avait déjà peaufinée avant sa disparition. En revanche, pérenniser ces grands rassemblements créatifs dans l’ancienne ferme du Saintois tenait du pari.
Alyne, mais aussi Emmanuel Perrin, Jean-Paul Mougeot, Jac Vitali, Brigitte Bourdon, René Hippert – les proches du premier cercle – l’ont tenu. TEM accueille, depuis le 7 juin et jusqu’au 4 octobre, vingt-huit artistes (peintres sculpteurs, plasticiens…), ce qui en fait le plus important rassemblement du genre en Lorraine. Et toujours dans un même esprit : peu ou prou, ils ont créé spécialement pour le lieu, après qu’un espace leur a été dévolu.
Résultat, les œuvres présentées s’intègrent dans les trois niveaux et le jardin de l’ancienne ferme, jusqu’à se confondre parfois avec le décor : c’est le cas des « copeaux » de bois géants que Régine Lehmann a dressés du sol au toit et qui font écho aux poutres verticales.

La salle des pendus

D’autres ont profité pleinement des larges cimaises, comme Michèle Franck qui déploie un immense tableau bleu, noir et blanc, lequel berce les houles de l’âme, les vagues et les larmes, mêle les nuages et les abysses. Bref, nous parle de l’« eau-delà » et des limbes où planent les présences-absences de ceux qui nous ont quittés, incarnées par les sculptures métalliques en apesanteur de son compagnon le Luxembourgeois René Wiroth.
Invité pour la première fois, le peintre Stéphane Noviant investit lui aussi une large surface et la peuple avec talent et humanité du petit monde de la rue Saint-Nicolas à Nancy, qu’il connaît bien : clients des bistrots, faune des trottoirs et des comptoirs, il lui rend sa dignité avec fraternité et malice.
Ces pochades éclatantes de couleurs contrastent avec l’installation en noir et blanc de Sylvie de Biasi qui a reconstitué la « salle des pendus » où les anciens mineurs de fer accrochaient leurs vêtements à des porte-manteaux qu’ils hissaient, et un ascenseur grillagé descendant vers les entrailles de la terre.

 

Monstres croquignolets

C’est impressionnant et grave, à l’inverse de l’épatant nounours géant tricoté en papier par Manuela Cordenos, qui fait face à cette installation. Ce grand écart entre la création ludique, la peinture sociale et le travail de mémoire témoigne de la diversité des travaux présentés cette année.
Suivant les goûts, on peut s’intéresser à tous : aux élégants mobiles d’Hubert Keller, fuselés tels les premiers aéroplanes, comme aux monstres croquignolets de Manu Poydenot, qui renoue avec son inspiration première mais situe ses « grotesques » dans des décors urbains réels, notamment ceux du Nord.
Ne manquez pas non plus les tableaux cousus de Brigitte Bourdon qui revient à la peinture. Ses rouges profonds trouvent un pendant dans ceux de Stéphane Galmiche, néo-classique qui instille toujours de la grâce et de la goguenardise dans ses tableaux, et dans les rouges sang de bœuf du fameux sculpteur meusien Patrick Boyé.
Autre coup de cœur : pour le peintre coréen Jae Woo Park, nouveau venu qui fige dans le gel sensible de ses tableaux des instants de vie, comme saisis en rafale par un objectif photographique, mais distancié par un « sfumato » sombre qui les nimbe d’irréalité.

 

Gérard CHARUT• Exposition TEM, 55 Grand’rue à Goviller, le dimanche de 14 h à 19 h. Entrée libre.