Image Image Image Image Image

Critiques Correspondances

Le Républicain Lorrain

CULTURE exposition à goviller

L’art contemporain joyeux

Entre les peintures très intimes du coréen Jae Woo Park et l’installation à quatre mains de Michèle Frank et René Wiroth, le lieu d’exposition campagnard TEM, près de Nancy, frappe encore très fort.
Sur l’affiche, le soleil s’infiltre à travers une cloison à claire-voie. Mais c’est une tempête qui a frappé le lieu d’exposition TEM, à Goviller, à quelques jours de son ouverture. Le jardin, un des plus beaux de Lorraine, a été dévasté. Cette nouvelle avanie n’a pas arrêté Alyne Rosenkrantz. Elle a replanté le jardin et des jambes d’artistes y courent en liberté. Dans la grange, aux volumes immenses, les œuvres se multiplient entre les mains d’une trentaine de créateurs. Chaque pas change la perspective et l’œil y découvre une nouvelle manière de voir l’exposition.
La claire-voie a aussi donné l’indication d’une mise en scène au rez-de-chaussée dans les anciennes écuries. Des cloisons ont modifié la vue depuis l’an dernier : dix ans qu’on vient et ils continuent de nous étonner. Nouveau venu à Goviller, le Coréen Jae Woo Park frappe par la maîtrise de sa peinture. Un personnage allume sa cigarette en quatre tableaux et c’est toute l’humanité qui s’affiche. Deux petites filles en imper rose bondissent sur deux autres œuvres, soignées. Le coup de cœur est immédiat ­ ces tableaux-là ont déjà trouvé acquéreurs.
A l’étage, Manuela Cordenos a repris son tricotage de bouts de papier pour offrir un ourson géant. Le bricoleur fantasque René Hippert, avec sa petite famille, projette des rêves de fumée et de sons. Stéphane Noviant se promène dans une rue de Nancy et en sort une galerie de portraits peints avec une extrême attention au détail, dans une composition vivante. A plafond haut, Régine Lehmann répond avec des panneaux de bois déroulé. Ces rideaux végétaux immobilisent le temps et offrent une vie aérienne à l’exposition de cette année.

René Wiroth ne dira pas le contraire. Avec Michèle Frank, ils ont travaillé en commun, hanté par le souvenir du fondateur de cette initiative, Claude Rosenkrantz. La peintre a délaissé les couleurs chaudes pour des bleus marins et le sculpteur a oublié le plexiglas au profit de l’alu : ses personnages volent et dressent un hommage à un homme qui avait tant de conviction qu’il semble perdurer par-delà sa fin. Les artistes revenus d’année en année (Brigitte Bourdon, l’étonnante Franc Volo, Jac Vitali), sa femme et sa fille font plus qu’entretenir la flamme : elle devient un brasier émouvant de créations.

Julien BÉNÉTEAU. Galerie TEM, 55 Grand’Rue à Goviller, tous les dimanches de 14 h à 19 h. Entrée libre. Tél. : 03 83 52 88 33.

Le Républicain lorrain Publié le 30/06/2009

Luxembourg Wort

LuxembourgWort 8 juillet 2009

Le flambé et l’éthéré

Michèle Frank et René Wiroth, ou l’art de s’assembler sans se ressembler

Par GASTON CARRE
Oeuvres croisées: une sculpture de René Wiroth, une toile de Michèle Frank. Michèle Frank & René Wiroth: “Correspondances”. Editions Binsfeld, 192 pages, ISBN 978-2-9599827-2-9, 48 euros.

..

“Nous sommes partout et nulle part”, tel est l’intitulé d’une exposition à laquelle participent, ces jours-ci près de Nancy, les artistes Michèle Frank & René Wiroth, et tel est le phylactère qui, déployé sur leurs oeuvres conjuguées, résumerait au mieux le rapport de ce binôme à son milieu.

A une époque où le plus approximatif des créateurs se croit habilité à convoquer une conférence de presse, où les rédactions culturelles sont accablées par des sollicitations aussi pressantes que saugrenues, MichèleFrank & René Wiroth ne demandent rien, rien que ce qui depuis longtemps leur est donné à profusion, à savoir la respectueuse considératien d’une vaste coterie d’admirateurs amis, qui vont et viennent à leurs travaux quand ça leur grée et parce que ça leur chante. Et pourtant, et en dépit de cette belle retenue, Michèle Frank & René Wiroth sont devenus d’inamovibles référents du paysage artistique, tant leurs créations respectives marquent de leur empreinte le champ pictural, sculptural, musical voire éditorial. Michèle est une élégante échassière au noir plumage, René conservera, à cent ans encore, une juvénile dégaine d’étudiant germanopratin, et cependant il nous semble que ces deux silhouettes-là hantent la scène de toute éternité.

Le livre “Correspondancesî, leur opus commun, riche de leurs oeuvres respectives (150 reproductions) et de leur croisement, de leurs réflexions, des points de vue d’observateurs amis et/ou éclairés, invite à la découverte de I’oeuvre onirique de deux artistes accomplis.

René Wiroth, sculpteur, se meut entre ciel et terre, tantôt ancré dans la glèbe, dans l’atttente de quelque pluie d’étoiles, soit dans de magnifiques élans vers l’avant ou l’infini, avec des grâces de rubans au vent ou de graciles élongements à la Giacometti.
Affinités électives

Et si René Wiroth semble le pôle éthéré du binôme, Michèle Frank y apparaît volontiers comme le contrepoint incarné, avec ses flamboyantes et empâtées pyrotechnies picturales. Voir, ainsi, la représentation en vis-à-vis du “Saut rouge” (Wiroth) d’une part, de “Flambée” (Frank) d’autre part. Ce somptueux face-à-face montre l’attachement de chacun à son art de prédilection, et le souffle qui à l’un et à l’autre est propre, tout en attestant le surcroît de force né des épousailles de leurs travaux singuliers. Feu nos philosophes structuralistes se seraient volontiers penchés sur ce processus, tel que chaque oeuvre fait sens par elle-même mais tel aussi que son imbrication dans les autres fait advenir une tierce dimension, exhaussant l’ensemble sans en dévoyer les parties.

Michèle Frank, artiste-peintre française, et René Wiroth, sculpteur luxembourgeois, travaillent en communion depuis plus de vingt ans. Et depuis plus de 20 ans le travail de l’un est stimulé, “provoqué”, fécondé par la production de l’autre. Cette double expressivité des Ïuvres de Michèle Frank et de René Wiroth – à la fois autonomes et interdépendantes – est un phénomène sans doute unique au Luxembourg, tissant le fil d’Ariane de ces “Correspondances” qui à l’enseigne de Baudelaire en constituent le superbe inventaire.

Par-delà la reproduction des oeuvres, les artistes s’essaient à l’élucidation, par le texte, de leur féconde connivence. D’autres – Remy Jacob, Pierre-Michel Bertrand, René Hally ou Edmond Israel – fournissent des clés de lecture pour la compréhension de leur intersection. Des extraits de journaux enfin rappellent les avis et points de vue de la critique.

Communiqué de presse